dimanche 5 juillet 2009

Agriculture vivrière au Burkina: des faits, des visions, des hommes.... de quoi débattre !

Voilà une semaine que je suis rentrée du Burkina ; il est temps de poster quelque chose et de vous tenir informés avant de poursuivre la course folle de l'écriture de mon mémoire!

Pour vous resituer le contexte, je suis partie en mission pour un mois au Burkina: 10 jours à Ouaga pour faire un état des lieux rapide de l'aval de la filière maïs (commerçants, industriels...) et 15 jours dans les villages de deux zones du pays: la région des Hauts Bassins (qui représente le bassin cotonnier) et la région Centre Ouest (qui n'a pas un ancrage au coton aussi fort- on y cultive en priorité maïs, céréales traditionnelles et tubercules ). Pendant cette deuxième phase, j'ai suivi deux organisation de producteurs (OP-une dans chaque zone) et je me suis attachée à mener des enquêtes auprès d'une centaine de producteurs et à rencontrer les responsables des différents démembrements des 2 OP pour savoir quelles étaient leurs vision et leurs stratégies de production et de commercialisation du maïs dans le contexte actuel.

Pourquoi ce sujet?
Comme je le soulignais dans mon précédent message, l'objectif de sécurité alimentaire prévaut et l'organisation des marchés vivriers est un sac de nœuds certes mais c'est aussi une des conditions essentielles pour que l'agriculture d'un pays donné parvienne à nourrir sa population tout en étant génératrice de revenus pour ses producteurs.
Le maïs répond à ces objectifs puisqu'il peut être consommé et vendu. Qui plus est, il a un potentiel de rendement élevé : sauf accident climatique, il se cultive très bien au Burkina, en pluvial. Il peut être stocké, transformé et répondre à de nombreux débouchés (alimentation humaine-minoterie, brasserie..., animale)
Par ailleurs, comme je le disais avant, il est cultivé en rotation avec le coton en zone cotonnière où il bénéficie des arrières effets des engrais apportés au coton. Puisqu'il assurait une source de nourriture aux producteurs de coton, on a ainsi encouragé la culture du maïs en zone cotonnière.
Enfin, dernier point d'info pour que vous compreniez bien le système: la filière coton est structurée par des sociétés cotonnières qui ont été privatisées depuis quelques années et qui organisent le marché du coton de la production à la commercialisation. Tout fonctionne parfaitement (en termes d'organisation du travail- d'autres aléas viennent porter ombrage au tableau) : les producteurs reçoivent des intrants (engrais et herbicides-pesticides) à crédit (à un prix très avantageux par rapport au prix du marché puisqu'ils sont subventionnés par l'Etat); ils reçoivent des conseils techniques pour optimiser leur rendement coton et ils revendent toute leur production à la société cotonnière. Rien ne se gagne, rien ne se perd!
Ou presque... il se trouve que les sols ne jouissent pas d'une fertilité qui s'auto-régénérerait naturellement quelques soient les pratiques employées. Donc : les engrais, même pour les productions autres que le coton, ont besoin d'un minimum de fertilisation. Et comme chacun sait, quelques soient les rendements de la culture, la fleur du cotonnier ne nourrit pas son homme !Et l'Etat ne subventionne pas les engrais hors coton donc conclusion générale: les engrais fournis par les société cotonnières pour la culture du coton sont également utilisés par les producteurs pour la culture du maïs. Et, à raison.
Voilà donc pourquoi ces deux cultures sont intimement liées et pourquoi je me suis penchée sur cette question.
J'y ajoute : le cours du coton est au plus bas: il devient non rentable pour les producteurs de cultiver le coton s'ils ne font pas de grands volumes MAIS ils reçoivent toujours des engrais dont ils se servent pour leur maïs. Tunnel sans issue?

De ci de là, depuis quelques années, la profession tente d'organiser le marché du maïs, bien plus complexe à maîtriser que le coton : 3 objets pour le décrire:
1- un yoyo; 2- un livre "Où est Charlie" (vous vous souvenez?); 3- une marmite
Je ne délire pas, je vous assure ! Je suis très tentée de vous laisser trouver seul la signification de cette petite énigme ! Oui, je vous dis déjà beaucoup de choses et j'espère en rediscuter avec ceux que ça intrigue vraiment !
L'organisation passe par l'approvisionnement en intrants et la commercialisation de la production.

Enquêtes et premières impressions.

En zone cotonnière, le LA est donné par l'Organisation des producteurs de coton: quoi qu'il arrive, le coton restera en place et on envisage tout à fait le développement simultané des filières maïs et coton.
Les sociétés cotonnières appuient la structuration de la filière maïs par des conseils, des appuis logistiques, la garantie des crédits contractés. Elle espère ainsi que si le maïs prend son envol, le coton pourra retrouver ce qui lui appartient: engrais saupoudrés d'appuis techniques pour de bons rendements.
Le LA est suivi par les producteurs qui ne se voient guère sortir de la culture du coton tant qu'ils n'ont pas de solution stable et durable pour le maïs : des engrais pour produire, un prix d'achat stable, un débouché assuré. Tel est leur crédo.

Dans les zones où le coton est moins présent, les horizons semblent plus vastes même si la situation est plus précaire: là, on diversifie davantage, on pratique des rotations qui entretiennent les sols, on fait davantage usage de la fumure organique, on cherche à se débrouiller seul en s'entourant de compétences techniques, en essayant de s'assurer une autonomie financière mais ce n'est pas chose facile: les partenaires restent frileux à ce genre d'entreprise car elles sont risquées et n'apportent pas de garanties crédibles pour un emprunt par exemple.

Bilan des courses:
à une échelle macro: offre et demande ne se rencontrent pas ; on importe du maïs au Burkina et les producteurs ne sont pas crédibles aux yeux des industriels.
Le gouvernement a un rôle à jouer dans le soutien à la production et dans l'aide au commerce des produits agricoles.
Il vient d'annoncer une intention de subvention des intrants maïs pour cette campagne mais ça n'était pas encore clairement établi au 26 juin alors que la campagne avait déjà débuté.

A une échelle micro: les producteurs les plus éclairés sont prêts à se retrousser les manches pour se lancer dans une entreprise sérieuse qui viserait à répondre à la demande du marché en maïs. A force de formation et de "calculs" comme ils le disent (comprendre: gérer son argent), ils pourront faire leur métier dignement (sans se tuer à la tâche et sans être sous le joug d'une poignée d'hommes d'une autre espèce). Le chemin est encore long mais si je n'y retourne pas avant, je serai très curieuse de voir l'évolution de ces mêmes paysans dans ces deux organisations aux visées distinctes dans 5 ans.

Maintenant, je serais vraiment très contente d'avoir vos réactions sur ces mots alors n'hésitez pas à me faire des retours.