lundi 26 mai 2008

La mangue, l’or multicolore du Mali?

Amélie ? Kent ? Keit ? Valencia ? Demoiselles en robes vertes, jaunes, orange, rouges voir pourpres, voici les variétés de mangues améliorées présentes au Mali et obtenues par greffage des variétés locales.
Les principaux bassins de production de la mangue se situent dans les localités de Bougouni, Yanfolila, Sikasso (3ème région), Koulikoro, Kati, Siby (2ème région) et Ségou (4ème région). Les vergers s’y succèdent et fourniraient quelques 540 000 tonnes de fruits par an sur une surface de 28 400 hectares bénéficiant ainsi à 150 000 producteurs. Les données statistiques sont très peu nombreuses et il ne s’agit là que d’estimations. Des systèmes de repérage et estimation plus précise du potentiel de production par télédétection sont en cours de mise en place.
La période productive étant relativement courte et la mangue étant un produit fragile, de grandes pertes sont observées chaque année faute de structures de conservation, conditionnement ou transformation pour absorber cette production.
Cette filière au potentiel fort suscite alors un grand intérêt de la part du gouvernement et des bailleurs de fonds.
Ainsi, le SIAGRI, Salon International de l’Agriculture qui a lieu du 24 au 30 avril à Bamako a consacré une journée entière à la mangue. Lancée par M. Tiemoko SANGARE, Ministre de l’Agriculture, conférences, témoignages d’acteurs, dégustations et animations lui ont fait honneur.

Avec un marché local peu rémunérateur, l’export est le débouché visé par les professionnels de la filière : marchés européens et bientôt nord africains, la mangue s’exporte fraîche ou transformée par bateau ou avion.

Des producteurs locaux aux revendeurs européens, le circuit structuré de la mangue fraîche.
Du verger de Bougouni à la centrale d’achat de Marseille ou Rotterdam, ce ne sont pas moins de trois étapes intermédiaires qui se succèdent.
Les pisteurs collectent tout d’abord les fruits auprès du producteur et les acheminent jusqu’à la station de conditionnement où les fruits arrivent en casier de 18 kg, pèle mêle et repartent en cartons de 4kg, calibrés, à un degré de maturité plus ou moins élevé selon qu’ils sont destinés au fret avion ou au transport bateau. Deux jours de transit en avion pour un prix de vente de 4€ le kilo contre deux semaines par bateau et un carton de 4 kg à 3-4 €, il va sans dire que la préférence des professionnels revient à la première formule bien que les coûts soient presque prohibitifs. Le producteur aura, quant à lui, reçu 1500 FCFA pour un casier de 18kg.
M. Konaté, directeur de la jeune Société Fruitière de Bougouni déplore les difficultés liées à l’approvisionnement qui sont un frein pour le développement du fret avion. Les coûts de transport ainsi que la vente à commission par les centrales d’achat européennes sont autant de contraintes soulevées par le directeur. Toutefois, la société est très récente et la structuration de la filière de façon globale n’en est qu’à ses balbutiements. Les acteurs ont besoin de formation en termes d’agronomie, gestion, économie de marché…
Les actionnaires de cette société sont des privés comme des structures publiques (collectivités territoriales, APEJ -Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes). La station emploie 45 personnes de façon permanente (5 gestionnaires et 35 trieurs). En fonctionnement pendant 4 mois de l’année, il est envisagé de l’utiliser pour le conditionnement du haricot vert en période d’hivernage (de septembre à janvier).

Abracadabra ! Voilà la mangue transformée

Côté producteurs et productrices, les moyens sont moins importants mais les bras et les idées sont là.
Ainsi, la coopérative féminine Jeka baara (espoir par le travail) en est un bon exemple. Composée d’une quarantaine de femmes, chacune vend sa production à la coopérative et cotise pour l’investissement dans le matériel de transformation. Pour la mangue, il s’agit de jus, mangue séchée et confiture. Le noyau est à l’étude pour en extraire l’huile, fabuleux remède contre les rides.
En lien étroit avec l’APCAM, les femmes de la coopérative ont saisi quelques caractéristiques fondamentales inhérentes au marché (respect des normes d’hygiène, notion de risque économique) et elles adoptent un comportement stratégique s’orientant vers une logique marchande
Ainsi, elles ont récemment puisé dans leur fonds de roulement pour investir dans un séchoir à gaz dont la capacité est dix fois plus importante que celle d’un séchoir solaire, leur objectif étant de réaliser une grande production à vendre à l’occasion du SIAGRI.
A Bamako, on trouve les produits de Jeka Baara au niveau de leur boutique et dans les alimentations et cybercafés. Les productrices/transformatrices se déplacent par ailleurs également sur les foires et salons nationaux, régionaux et internationaux pour faire la promotion de leurs produits et en assurer la vente. Mme Kone Rokiatou Traoré, présidente de la coopérative explique qu’elles recherchent désormais un partenaire fixe à l’étranger afin de faciliter la logistique et garantir l’écoulement de l’intégralité de leur production de façon continue. La coopérative permet de générer des revenus pour les femmes et elle leur donne également l’opportunité de recevoir de la formation (alphabétisation, gestion…).

Qualité et marchés de niche pour la reine…

La certification est recherchée par tous les professionnels.
Ainsi, M. Konaté convoite la certification GlobalGAP pour ses mangues fraîches, une reconnaissance de qualité de la production, obligatoire pour la grande distribution privée européenne. Par ailleurs, ayant signé un contrat avec le Mobiom, Mouvement Biologique du Mali, il va désormais exporter des mangues certifiées bio issues de vergers ainsi reconnus.
Ne pouvant pas encore prétendre à la certification équitable, les efforts vont aller dans ce sens à l’avenir afin de couvrir un marché européen exigeant mais également sensible à des paramètres tant organoleptiques que sociaux.

Soutien à la filière

Conscients de son potentiel, les bailleurs de fonds s’intéressent à la filière et appuient son développement via l’innovation technologique, l’accès au financement, la structuration de la profession, la construction d’infrastructures de conditionnement et transformation. L’accent est mis sur la commercialisation, la connaissance du marché, le marketing et la certification de qualité.
Ainsi, le PCDA, Programme Compétitivité et Diversification Agricole, d’envergure nationale est financé principalement par la Banque Mondiale et met, entre autres filières, un fort accent sur l’appui à la filière mangues
USAID, l’agence de développement américaine apporte un appui via son programme IICEM, (Initiative Intégrée pour la Croissance Economique au Mali) de même que l’agence Suisse Helvetas soutient le développement de la filière conventionnelle et biologique.

La saison ayant récemment débuté, des craintes se lèvent concernant la durée de la période pendant laquelle la cueillette est rentable. En effet, les pluies étant très précoces cette année, la mouche des fruits risque de se développer plus précocement, menaçant ainsi la qualité du produit pour lequel les autorités douanières européennes affichent une tolérance zéro id est sans aucune piqûre. Ceci constitue une raison supplémentaire pour envisager le marché nord africain, moins exigeant en termes de qualité.

En exploitant le potentiel de production existant et en se professionnalisant, les acteurs de la filière peuvent espérer faire de la filière mangue un secteur moteur de l’agriculture malienne.

Après l’or jaune, minerai présent dans le sous-sol malien et second produit d’exportation, l’or blanc constitué par son coton, le Mali aurait-il, avec sa mangue, fait la découverte de l’or aux couleurs de son drapeau ?

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